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Des ptites amours et des grands, aussi

21 mars 2007

Rencontre manquée

Ce soir, cette nuit, je rêve de devenir une sorte de Carrie Bradshaw à la française. De prendre à bras le corps tous les minuscules et immenses problèmes des ptits amours et des grands aussi. De les regarder au travers du prisme d’une science de témoignages et d’expériences de toutes sortes, de tous horizons. Et peut-être d’apporter une petite lueur au beau milieu de l’univers le plus sombre et le plus tortueux qui soit. Et tout cela pour exactement les mêmes raisons que cette héroïne idéale de « soap opera », comme on dit à Manhattan : y voir moi-même un peu plus clair. C’est pas gagné. Mais ça fait passer le temps, ça aide à se sentir exister, ça aide à relativiser, ça aide à formuler les angoisses et les petites joies, les grands bonheurs et les intenses déceptions, ça aide à se dépasser. Peut-être même, je me dis, que ce sont des observations qui pourront servir, ailleurs, en diffusion libre et totale sur cette grande sphère de partage qu’est devenu le net.

Faut pas rêver. Je m’imagine que par ce biais, le peer to peer, bouche à oreille internautique pourra peut-être fonctionner, et qu’après des mois de silence à écrire chaque jour consciencieusement, je recevrai un commentaire, quel qu’il soit. Et advienne que pourra.

Premier problème, je ne vis pas à Manhattan, je ne possède aucun tailleur Versace ni aucune paire de pompe à plus de 60 euros, et je considère que c’est déjà cher payer pour battre le pavé. Deuxième chose, dans la vraie vie, pas d’accélération du temps adéquate pour retenir l’attention d’un public potentiel. Mais enfin, dans la vraie vie Carrie Bradshaw doit écrire une chronique par semaine. Et le concept me semble plutôt alléchant, et potentiellement intéressant, tout à fait réalisable, en fait. C’est pourquoi à partir de maintenant, je n’y ferais plus aucune allusion pour voir si je tiens le choc de la comparaison, au point qu’elle disparaisse au profit de ce que je m’apprête à produire, par moi-même.

Quelqu’un de très brillant et que j’estime beaucoup m’a assuré que si je me lançai dans une telle aventure, ce que j’écrirais serait d’un autre niveau. Alors je vais essayer de ne pas la décevoir. L’idéal serait qu’elle y devienne accroc à cette chronique, au point de l’attendre patiemment chaque jour, ou peut-être chaque semaine parce que c’est plus réaliste, et puis qu’elle se rende finalement compte que ses conseils ne valaient rien. Parce que ce qui compte là-dedans, ce n’est nullement la façon dont je présenterai les choses, disons la forme, la manière de l’écrire, le style si vous voulez. Non, je crois que le plus important est de présenter une multitude de situations, de raconter toutes les histoires que je peux récolter au cours d’une journée, d’une semaine, d’un mois, d’une vie, des ouï-dire et du vécu.

L’information résulte évidemment de la nécessité de garder le contact avec le monde qui nous entoure, mais aussi et avant tout de pouvoir s’identifier à travers les autres. L’enfer c’est les autres, disait quelqu’un, mais sans les autres, on est absolument rien. Ils nous regardent, nous jugent, nous jaugent, et chacun se targue d’en être absolument et complètement détaché, pleine d’une fausse assurance. Alors on se rassure en lisant ce qu’écrivent les autres. Soupir de soulagement : tout le monde est dans le même bain, et chacun se noie dans le verre d’eau de son voisin.

Bien que ne vivant pas à Manhattan, mais dans une province où évidemment certaines mauvaises langues diront que rien n’est aussi intense ou aussi passionnant, l’amour est partout tout le temps. L’alchimie entre les êtres se crée constamment et pour cela, pas besoin des masses des villes immenses. La proximité partagée au travail, dans les transports, au restaurant, suffit souvent à provoquer des émois, parfois refoulés, parfois incontrôlables, parfois raisonnés, parfois menés à leur terme. Parfois inachevés.

Prenez un homme, prenez une femme. Tous deux plus ou moins seuls, plus ou moins avec quelqu’un. Placez-les dans un compartiment de train, une rame de métro, à un arrêt de bus, dans un supermarché, peu importe. Pris dans leur quotidien. Le hasard, ou ce que vous voudrez, selon les interprétations, les pousse à se frôler, imperceptiblement peut-être, ou à échanger un regard. Imaginez qu’ils se plaisent, je veux dire que dans ce regard transite un courant suffisamment inhabituel pour retenir leur attention à tous deux. Que se passe-t-il alors ? Le plus souvent pas grand-chose. Ne pénètre pas qui veut dans l’intimité d’autrui, comme ça, d’une simple coïncidence, d’un simple échange tout à fait fortuit. L’un ou l’autre peut se sentir pousser des ailes, et alors une histoire peut débuter instantanément, facilement. Puis le temps se charge du reste, la magie opère ou non. Mais la plupart du temps, et personne ne peut me dire le contraire, il ne se passe rien de plus et chacun retourne chez soi. Et alors Libération inventa les transports amoureux et eu une sacrée bonne idée. Vous croyez que beaucoup de ces rencontres manquées finissent par aboutir grâce à une petite annonce, bouteille de remords jetée dans un océan si vaste que personne n’en a encore défini les contours ? C’est une question que je me pose souvent en lisant cette rubrique. Je me demande quel genre de personne se cache derrière ces messages anonymes, toujours affublées de messageries mail somptueusement à propos, du genre « ligne6@yahoo.fr » ou mardi20fevrier@laposte.net ». Je les dévore, ils cachent des destins, ils sont symptomatiques d’une époque où la pudibonderie et la peur de l’autre et des sentiments atteint des sommets. Pourquoi ne pas tenter le coup avec un parfait inconnu quand les yeux s’accrochent sans vouloir se quitter, et que la raison met immédiatement un terme au rêve parce que ça ne se fait pas ?

Je marchais dans la rue, ruminant je ne sais quelle idée rose, ou noire. Je croise ce jeune type, un regard brun, magnétique, je plonge mes yeux dans les siens, et m’apprête à continuer ma route, instinctivement. Nous nous dépassons, et j’entends une voix enjouée, un bonjour sonnant et trébuchant. Je me retourne, lui lance un large sourire, prise sur le fait de tout ce que je viens d’exposer. Mais au lieu de m’arrêter, de tenter peut-être de nouer un lien, de poursuivre immédiatement ce bon départ autour d’un verre, voire dans un lit, je fait volte face et continue de marcher. Depuis, je pense à lui, souvent. Et à l’endroit de cette rencontre, souvent aussi, je le cherche des yeux, en me disant que si ça se trouve, le hasard le renverra sur ma route. Et que cette fois, je ne manquerais pas le coche.

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Des ptites amours et des grands, aussi
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